Il y a des choses dans la vie qui sont immuables. Tenant sa cigarette entre ses doigts, Ha Yong regardait par la fenêtre de son petit studio. Aujourd’hui, il s’ennuyait. Profondément.[/i] Oh ne me regardez pas comme ça, il n’y a rien d’intéressant dans ma méprisable vie. Je préférais de loin me pourrir les poumons, m’ôtant chaque jour un peu plus de secondes dans ma vie. Peut-être que comme ça je mourrais plus rapidement. Hélas, j’étais incapable de fumer comme un pompier aussi. Je soupirais, l’ennui me saisissant toujours un peu plus. Comment avais-je fait pour en arriver là ? Pourtant je n’étais pas inoccupé ! Je me devais de donner des cours d’arts martiaux à ceux qui le désiraient. Mais là aujourd’hui, l’ennui m’était tombé dessus comme une masse.

Fermant les yeux, je continuais à fumer, la fenêtre ouverte, profitant des derniers rayons de ce soleil estival. Parce que bientôt, ce serait l’automne et bientôt, il ferait beaucoup plus frais. Alors adieu les t-shirt et autre marcel qui nous permettaient de ne pas succomber à la chaleur. Oui… Adieu. Et les périodes de l’automne me donnait toujours envie de me tirer une balle. Peut-être était-ce parce que c’était le jour même de l’automne que ma mère avait mis fin à ses jours ? Je tirais une nouvelle bouffée de fumée sur ma cigarette avant de la recracher par la fenêtre ouverte. Je fumais mais je détestais l’odeur de la cigarette froide. Je fumais mais je haïssais plus que tout voir quelqu’un d’autre fumer. Surtout quand c’était une jolie fille. Une jolie fille ou un bel homme. Ca me sciait en deux, littéralement.

Au final, je m’ennuyais toujours profondément. Alors je me redressais, laissant le livre que je lisais choir au sol. Parce que oui, même la littérature m’ennuyait maintenant. Et je m’étirais, faisant un instant jouer les muscles de mon dos pour me détendre. J’étais complètement courbaturé. Et il faudrait peut-être que je songe à prendre un peu plus de repos ? Ma langue passait et repassais derrière mes dents alors que je me dirigeais vers mon armoire, pour me saisir de quelques vêtements. Un jean sombre, bien taillé, ainsi qu’un T-shirt en col en V. Il parait que les gens préfèrent me voir avec ce genre de vêtement. Oh, je savais que je pouvais sortir des trucs beaucoup plus tendance de mon armoire, mais aujourd’hui, je n’avais pas spécialement envie de plaire à qui que ce soit. Je voulais juste me dégourdir les jambes. Et après avoir pris ma douche, pour me débarrasser de cette odeur de cigarette qui imprégnait mes cheveux et ma peau, je m’habillais et sortais de chez moi, non sans avoir pris mes clefs, bien sûr, mais aussi mon paquet de cigarette et mon porte-monnaie.

Oui, je sais ce que vous êtes en train de vous dire : que j’ai pris une douche pour rien parce qu’au final, je vais de nouveau avoir l’odeur de la cigarette froide dans les cheveux. Oui… Mais tout était psychologique dans ma tête. Alors je faisais ce que bon me semblait et vous n’avez pas à vous mêler de quoi que ce soit. En tout cas, je sortais, les écouteurs sur les oreilles, ne me préoccupant guère de ce qui pouvait bien se passer autour de moi. Il pourrait y avoir un accident que ça ne me ferait ni chaud ni froid. C’est pour ça que mes profs pensaient que je ferais un excellent médecin urgentiste. L’urgence ne me stressait pas et je me foutais des gens. Mais de toute façon, je me foutais d’un peu tout et je n’étais pas assez « équilibré » encore pour devenir médecin urgentiste. Non, mon choix était fait depuis fort longtemps, je voulais devenir chirurgien esthétique.

Bref, tout ça pour dire quoi ? Rien. Comme toujours ? Je fermais les yeux un court instant avant de me diriger en direction du fleuve Han. Je marchais, évitant les enfants qui couraient, esquivant les personnes âgées qui avaient du mal à se déplacer et surtout, j’évitais les gens. Mais à un moment, de là où j’étais, assise sur un banc, une petite tête brune me parut bien familière. Et je la reconnaîtrais entre mille, même de dos. Je m’avançais, doucement. Lee Na était la seule à pouvoir me faire sourire. Et d’ailleurs, ne souriais-je pas là ? Je m’approchais donc, sans mot dire, avant de poser ma main sur sa tête :

« Salut toi… »

Je retirais ma main de sa tête pour faire le tour du banc. J’enfonçais alors mes mains dans mes poches alors que je m’asseyais, après avoir ôté, bien sûr, mes écouteurs et rangé le tout dans une poche. Pratique les poches ! Bref, je regardais la jeune femme, ne tenant pas compte des battements accélérés de mon cœur que, de toute façon, je ne comprenais pas. Je lui offrais un léger sourire avant de reprendre la parole, toujours de cette même voix basse, mesurée :

« Je voulais t’appeler… Mais j’avais peur de te déranger. Ca fait longtemps que tu es là ? »

Le début de nos conversations était toujours banal. Et puis après, ça avait tendance à devenir un peu plus intéressant. Et parfois, on se chamaillait… Alors qu’au départ, elle me prenait pour le pire des connards. Et j’avoue que j’avais été un sale con. Mais j’avais su me faire pardonner. J’avais su me faire apprécier. Et puis un jour, peut-être qu’elle en saura plus sur moi ? De toute façon, elle en découvrait tous les jours un peu plus sur moi.