La nuit appartient à ceux qui ne se couchent pas. Su Yun ne dort que très peu la nuit. Le soir, elle travaille. Et c'est la mort dans l'âme qu'elle s'y rend. Et pourtant, rien ne se lit sur son visage. Non, Su Yun est déterminée. Parce qu'elle sait qu'elle aura un salaire. Qu'elle pourra vivre. Alors oui, mettre son corps presque à nu devant des dizaines d'hommes avinés ne l'enchante pas et la dégoûte au plus haut point. Mais elle n'a pas le choix, c'est comme ça. Alors elle le fait. D'autant plus que ce soir... Elle doit faire un show privé. Et ça l'enchante encore moins de se dire qu'elle doit se frotter contre un inconnu.

Mais elle le fera. Parce qu'elle aura une prime après ça. Parce que qui dit homme fortuné dit bonne prime. Sauf que cet homme, elle aurait déjà dû lui faire un show. Et ne l'a pas fait. Elle s'est enfuie avant. Mais ce soir, elle n'a pas le choix, elle doit le faire... Sinon, elle est virée. Et ce travail, elle en a besoin. Elle qui a toujours été refusée n'importe où ailleurs, ce travail de la nuit, c'est son alternative pour vivre.

Alors oui, elle arrive au travail, dégoûtée, mais ne le montre pas. Elle enfile une tenue légère et se regarde dans la glace. Son corps la dégoûte. Elle se dégoûte. Mais elle n'a pas le choix, elle doit y aller. Et c'est ainsi que, la mort dans l'âme mais sous un masque d'indifférence, elle se rend à cet homme dont elle doit satisfaire les envies libidineuses. Il touchera son corps comme les autres. Mais en paiera le prix... Comme les autres. Elle entre dans la pièce et fait face à cet inconnu, déjà assis. Et même si la musique, lascive, lancinante, a déjà commencé, elle ne bouge pas tout de suite. Non, d'abord elle fixe cet homme qui a osé se plaindre. Il aurait juste pu demander un remboursement, non ? Sale type.

Elle s'avance vers lui, ôtant doucement la fine chemise qui recouvre ses épaules. Qui ne cachait qu'à peine ses longues jambes interminables, ses cuisses à peine recouvertes par un short en jeans très court. Il toucherait son corps. Mais n'aurait rien de plus. Il paiera. Comme les autres. Mais pas de la façon qu'on croit.

J'aurais pu me plaindre seulement. J'aurais pu juste demander un remboursement pour cette fille qui m'avait coûté cher mais qui n'avait rien fait de son boulot. Au départ, ça partait d'un délire entre ami. J'avais gagné le pari et on avait décidé que j'aurais une soirée devant une jolie fille qui se déshabille. Pas mal comme deal. J'avais remporté le gros lot, comme d'habitude. Ma fois, c'est aussi par curiosité que je m'étais rendu là bas, parce que comme un gamin, j'allais découvrir une nouvelle expérience. La fille qu'on m'avait présenté était pas mal jolie. Elle était même sublime. Pas étonnant qu'on me la présente elle. On devait de suite offrir le jackpot pour gagner un client régulier. Mais voilà, elle n'était pas dans son bon jour et à peine commencé, à peine j'allais poser mes doigts sur la peau de son ventre qu'elle s'était volatilisé, me laissant sur la touche. Chose que je déteste. J'étais directement allé voir le patron. Il lui avait fait la morale devant moi. Puis quand la demoiselle fut partit, il m'autorisa à revenir le soir du week-end prochain pour une danse gratuite. J'acceptais mais exigeait seulement que ça soit encore elle. Je lui faisais juste payer. Et je lui ordonnais indirectement de continuer ce qu'elle avait arrêté la première fois.

Me voilà, donc, installé sur un magnifique sofa, dans une pièce solitaire éclairé d'une fine lumière donnant une ambiance subtilement érotique à l'endroit. Une barre centrale, et un podium en face de moi. Mais je comptais avoir cette fille le plus près de moi possible. Elle n'aurait pas le choix, le client était roi. C'est là qu'elle entra, et je fus totalement heureux de sa réaction. Elle s'attendait pas à moi, hein ? La musique était déjà commencé et ce fut après quelques secondes d'absences qu'elle commença son travail et je ne me gênais pas pour la gêner encore plus en laissant mon regard couler le long de ses formes, de son corps. Je croisais les jambes, prenant un air beaucoup plus nonchalant, mes doigts pianotant sur l'un des accoudoirs. Puis je lui faisais signe de s'approcher de mon index replié. Elle devra accepter. Elle devra subir mes envies à MOI, cette fois-ci.

Sale type. Ce mec est un sale type et déjà Su Yun sent qu'elle ne pourra pas le supporter. Mais elle doit faire son travail. Sinon, elle est virée. Et il est hors de question qu'elle soit virée à cause d'un type pareil. Mais lui comme les autres a rapidement été catalogué dans la catégorie des « pervers ». Il paierait. Ca, il ne s'en doute pas encore. Mais il paierait. La pièce semble déjà bien étouffante pour la jeune fille qui ne rêve que d'une chose : s'enfuir. S'enfuir très loin d'ici et ne pas revenir avant... avant le lendemain. Elle veut s'enfuir pour ne pas avoir à se retrouver devant cet homme dont elle ne connait même pas le nom. Un homme contre lequel elle allait devoir se frotter, pour attiser ses sens, exciter son imagination... Tout en étant assez distante. Elle ne doit pas aller plus loin avec les clients. Jamais. Il n'y a qu'une limite à ne pas dépasser. Et Su Yun ne la franchira pas.

Alors, lente dans ses mouvements, remise de sa « stupeur » quant à la présence déjà nonchalante de cet homme qui se croit tout permis, elle commence déjà à ôter son haut. Mais à peine ses doigts se posent-ils sur la barre métallique qu'elle le voit lui faire signe d'avancer. Il n'oserait tout de même pas ? Alors qu'elle ne fait que commencer... Fronçant légèrement des sourcils, elle remonte sa chemise sur ses épaules, sans pour autant la boutonner de nouveau et s'approche de l'homme. Sa démarche souple, féline, presque sauvage fait d'elle une personne particulière. Difficile de croire comment elle est vraiment, n'est-ce pas ? Mais rapidement, Su Yun prend les devants. S'installant sur les jambes du jeune homme, de façon cavalière, elle pose ses mains sur le dossier du sofa, se rapprochant un peu plus de lui sans être pour autant trop proche. Et c'est avec lenteur qu'au niveau de son oreille, elle souffle :

« Ne vous croyez pas tout permis. »

Il ne peut pas croire qu'il ira plus loin avec elle qu'une lap dance dans une ambiance étouffée, tamisée. On ne touche pas à la marchandise. Elle se redresse, rapidement, gracieusement, avant d'ôter à nouveau sa chemise ne la laissant du coup qu'avec un sous-vêtement pour le haut et un short pour le bas (avec ses chaussures à talon), la jetant sur le jeune homme. Elle aurait aimé lui balancer violemment à la figure, mais ça ne se faisait pas. On respecte le règlement. Su Yun si plie. Le client est roi. Pas pour longtemps.

Le murmure à mon oreille me fait pratiquement sourire. Moquerie. Je crois avoir un nouveau hobby, l'énerver. Je me penche, frôle son cou de ses lèvres, mes mains glissant le long de ses cuisses. J'aurais pu me passer de sa danse, mais elle m'avait provoqué alors je lui faisais payer ses gestes. En plus de ça, pour moi, c'était gratuit. Pour elle, ce n'était pas un salaire complet en vue de son erreur. Une petite punition à sa juste valeur. J'étais mauvais. Très mauvais quand on me cherchait. Surtout quand on ne marchait pas dans mon sens. Cruauté. Bien vite, son corps m'échappe, comme une volute de fumée entre mes mains. Je ne mâche pas mes mots d'habitude, mais là, je garde le silence, lui adressant un simple sourire. Sournoiserie. Elle compte jouer, nous jouerons à deux. Je la regarde faire, je laisse mes yeux glisser le long de son corps, le long de ses fines jambes qui s'écartent alors pour laisser la barre de métal se coller à sa peau. J'aurais aimé qu'elle aille plus loin. J'aurais même aimé la toucher. Mais je l'humilierais plus tard. Beaucoup plus tard. Je soupire, lève les yeux au ciel et ne la regarde même plus. Je m'ennuie. Oui, quand elle est loin, je m'ennuie. Elle doit le remarquer et je lui en fait vite part. « Est-ce que votre patron serait ravi de savoir que je m'ennuie ? Vous êtes trop loin. Vous danser comme ma grand-mère pourrait danser dans sa salle de bain. Mettez-y du votre et approchez-vous. Je compte être très exigeant pour cette soirée.» Et être exigeant n'était pas interdit. D'ailleurs, tant que le client ne touchait pas, il avait le droit à presque tout. Un sourire se dessina au coin de mes lèvres et d'un mouvement de mon pied, je faisais reculer la chaise qui en tomba à la renverse. D'un coup d'oeil, je lui faisais comprendre que je la voulais sur cette chaise, face à moi. Le client est roi. Et pour longtemps.

Je sortais, de ma poche, un billet. Et elle devait savoir que sortir un billet ainsi, certifiait qu'il y avait une demande à faire. Elle n'aurait pas le choix. Elle s'approcherait, je coincerais le billet dans un de ses vêtements et elle écouterait ma demande pour obtempérer. C'était comme ça que sa marchait. Si on refusait, ça faisait un billet de moins dans la poche du patron. Et ça, le patron n'aime pas. Comme tout patron qui se respecte. Je secoue le billet devant mon visage, croisant les jambes tout en allongeant un bras sur le haut du dossier du canapé. Et alors que je la vois ne pas bouger, je commence à décompter de mes doigts. 3... mon sourire s'élargit. 2... mon regard se glisse sur la chaise.1... mon regard se lève jusqu'à elle. Et j'apprête déjà à baiser mon dernier doigt qui serait le couperet à son arrêt de travail. A elle de se bouger. A moi de l'humilier, de l'agacer, de me venger. Oui, je savais être très mauvais. Je savais faire, du monde qui m'entourait, un véritable enfer.

La sournoiserie et la tromperie sont des choses que Su Yun déteste. Pourtant, elle les utilise aussi, non ? Légitime défense. Dans ce monde, tout ne doit être que légitime défense. Et la jeune femme se défend comme elle peut, surtout quand elle évolue dans un univers aussi corrompu que le sien, où la limite entre le simple divertissement - si on peut dire - et la prostitution est bien fine pour certains hommes plus qu'avinés qu'autre chose. Heureusement pour elle, il semblerait que son "aimable" client ne soit aucunement sous l'emprise d'une quelconque drogue ou d'un quelconque alcool. Tant mieux. Au moins, elle ne risque pas grand-chose n'est-ce pas ? Juste l'humiliation. Mais cette humiliation, elle la vit chaque nuit, quand, les uns après les autres, ses vêtements tombent. Certes, elle se refuse à être plus proche de lui. D'ordinaire, son patron est conciliant. Là, il l'a forcé. D'ordinaire, les clients ont interdiction de poser l'index sur elle. Lui a visiblement tous les droits. Un juron manque de s'échapper de ses lèvres quand ce sourire arrogant lui arrive presque en pleine face. Elle a envie de lui arracher ce sourire, de lui faire ravaler. Mais elle doit rester calme. Alors, elle le regarde, impassible. « Est-ce que votre patron serait ravi de savoir que je m'ennuie ? Vous êtes trop loin. Vous danser comme ma grand-mère pourrait danser dans sa salle de bain. Mettez-y du votre et approchez-vous. Je compte être très exigeant pour cette soirée.» S'il n'est pas content, il a qu'à aller voir ailleurs.

Hélas pour elle, il semblerait que cet homme en sache suffisamment sur son monde pour la tenir presque en laisse. Saloperie. Et elle le pense encore plus quand il baisse ses doigts. Elle ferme les yeux, descend de l'estrade et s'approche de lui, ramassant la chaise au passage et pour la poser à proximité du jeune homme. Mais sans s'asseoir dessus. Non, elle s'assoit directement sur les genoux du jeune homme, en cavalière, posant ses mains de part et d'autres de la tête du jeune homme, se rapprochant de lui. Et en le regardant droit dans les yeux, elle lui fait entendre le son de sa voix. Un simple murmure. « Que voulez-vous que je fasse ? » Il semblait avoir une idée derrière la tête, qu'il lui dise. D'autant que pour le moment, il la soumet à sa volonté. Ne crie pas trop vite victoire, jeune homme. Et puis, oui, il y a une chose qu'elle a noté: il la vouvoie. Et ça, c'est déconcertant.

Mon regard ne la quitte pas. Mon sourire sournois ne quitte pas mes lèvres, il semble rester gravé, même quand je ne souris pas le moins du monde. J'avoue que ça me plait de la savoir sur les nerfs, parce qu'elle doit l'être, même si elle ne le fait pas voir. Alors oui, je reste dans le doute, je la laisse faire, la regarde simplement. Je n'ai pas l'oeil d'un pervers, quoi que je pourrais passer pour telle en étant dans cette salle avec elle. Il faut savoir que je refusais jamais une occasion qui me permettait d'être proche des filles. Encore plus quand elle vint s'asseoir sur mes cuisses. J'inclinais légèrement la tête alors que je laissais le billet frôler ses côtes,ses hanches, passer vers le creux de ses reins. Je ne la touchais pas, non, c'était le billet qui le faisait à ma place. Donc, je ne dépassais pas les règles instaurées. Je souriais, et finalement, coinçait le billet dans l'attache de son sous-vêtement que je vois totalement en dentelle. Quelque chose de très aguicheur pour permettre aux clients de bien se rincer l'oeil. « Ne vous déshabillez pas. Restez dans cette tenue. » C'était à la fois une demande mais aussi un ordre. J'avais payé. Je pouvais la garder comme ça, jusqu'à ce que mon heure et demi se terminent. Je l'avais à ma simple disposition comme il m'en convenait. « Je ne suis pas un client comme les autres. Vous ne pouvez pas me vendre des rêves par les simples ondulations sensuelles de votre corps. » Et c'était vrai.

Au début, tout ça partait d'un pari que j'avais gagné, puis de la vexation qu'une femme comme elle avait pu me provoquer. Maintenant, je profitais juste de sa punition pour lui faire comprendre qu'elle ne peut simplement pas jouer avec moi. Je pose mes mains sur ses hanches et la repousse. Je lui pointe la chaise de mon index. Je lui avais demandé de savoir là bas, pas sur moi. Une fois sûr qu'elle se soit assise, je laissais planer un silence. Un long silence. Je n'avais pas forcément envie qu'elle trouve le temps court, au contraire. « Vous pouvez peut-être me donner votre nom ? Moi, c'est Jin Su. » Et si elle ne me croyait pas... Je glissais ma main dans la poche de ma veste, lui lançant sur les cuisses, une carte d'identité. Au moins, elle saurait que j'étais franc avec elle, autant qu'elle se sente obligé d'en faire de même. Ce qui était une danse de cabaret, se changeait en interrogatoire de police.

Il l'énerve. Avec cette attitude, ce sourire, il énerve Su Yun. Mais elle ne dit rien, ne bronche pas un mot. Parce qu'elle comprend alors qu'il sera ravi de la voir s'énerver. Et elle ne lui laissera pas ce plaisir. Elle sur ses genoux, elle sent le billet frôler sa peau mais ne dit rien. Elle se contente juste de le regarder avant que, soudainement, il ne parle. Rester dans cette tenue ? Elle a bien failli le regarder bizarrement mais se ressaisit. Non, elle gardera cet air indifférent sur le visage, se contentant de le regarder. A quoi jouait-il ? Et puis ça, oui, elle l'avait compris qu'il n'était pas un client comme les autres. Même s'il restait un sale type. Il la repousse alors, pointant la chaise du doigt. Elle se redresse, se lève et s'installe, croisant ses bras sous sa poitrine, glissant ses mains sur sa peau de façon à ne pas se refroidir - mais à au moins rester en activité parce qu'elle ne supporte pas de ne rien faire.

Un long silence s'installe entre les deux personnes. Et Su Yun ne le regarde pas. Elle se contente de poser son regard ailleurs, afin d'avoir un point d'attache. Le silence ne la gêne pas. Elle attend juste que son heure et demie passe et après, elle rentrera chez elle. Et essaiera d'oublier cet imbécile qui la met plus en rogne qu'autre chose. Elle allait même jusqu'à occulter sa présence, faisant bouger sa jambe au rythme d'une musique qu'il n'y avait que dans sa tête... Jusqu'à ce qu'il parle. Là, la moindre partie de son corps s'immobile même si, lentement, elle tourne le visage vers lui. Il est sérieux quand il lui demande son nom ? Encore plus quand il se présente ? Et pourquoi prouve t-il son identité avec sa carte, hein ? Qu'est-ce que ça peut lui apporter à Su Yun ? Elle reste silencieuse un moment avant de répondre. « Su Yun. » Plus laconique, tu meurs. En tout cas, elle l'observe encore un moment et lui rend sa carte d'identité sans ménagement. « En quoi ça vous intéresse ? » Nerveusement, elle passe sa langue sur ses lèvres, cherchant à les humidifier. Le fait qu'il lui demande tout ça la stressait. Elle attrape le pendentif qui se trouve à son collier et joue avec, tout en ne quittant pas Jin Su du regard. Au moins, elle peut mettre un nom sur son visage. C'était déjà ça.

C'est sur qu'avec la moindre attitude agacé, j'aurais apprécier de jouer encore plus avec ses nerfs. Mais n'était-ce pas aussi ce que je faisais d'un côté ? J'adorerais pouvoir entendre le son de sa voix m'envoyer balader encore une fois, que je retourne voir ce patron pour lui faire comprendre qu'on ne joue pas avec moi. Pas aussi facilement. Mais elle se méfie. Elle tiens la route, elle fait tout pour retourner mon petit jeu contre moi. Et elle commence à me faire vraiment trop languir. Il ne faudrait pas que je m'ennuie, ça gâcherait tout. Bref, elle s'installait enfin là où je le lui avait demandé au départ. C'est pas trop tôt... Et je lui balançais ma carte, histoire qu'elle s'aperçoive que je ne lui mentais pas. La mettre un peu en confiance pour désamorcer cette situation de conflit ? Juste pour lui dire que même si je ne lui voulais pas forcément de la tranquillité, je restais franc et honnête. Tout simplement. Su Yun, ce n'était pas commun. La première fois que j'entendais ce prénom pour tout dire. C'était même plutôt jolie, à l'image de la jeune fille qui me faisait face. « J'aime savoir à qui j'ai affaire. » Et ce n'était pas peu dire, en effet, j'aimais connaître l'identité des personnes que je côtoyais pour un temps ou pour toujours. Peu importait, ce n'était pas la durée qui m'importait. Je ne pouvais pas savoir si elle me disait vrai mais à dire vrai... je lui faisais confiance.

Je sortais un autre billet de ma poche et le lui montrais, me penchant pour venir le coincer, sur sa cuisse, dans le haut de son bas. Je n'allais pas loin, juste un billet pour chaque question comme un billet pour chaque service, même règle. « Voulez-vous vraiment continuer cette danse que vous avez entreprise pour moi ? » Un sourire aux lèvres, je continuais de la regarder avec attention. C'était presque avec un certain amusement que je continuais de lui faire face. Comme si mon petit jeu n'amusait que moi mais passons.

Elle sait qu'elle ne doit pas se laisser aller à la colère. Elle l'a vite compris. Observant le jeune homme avec attention, elle détourne alors bien vite son regard. Ce sont des hommes de cet espèce qui la dégoûte ; à se croire tout permis avec elle, à surtout imaginer ne serait-ce qu'un seul instant que parce qu'elle se déshabille pour leur bon plaisir, ça lui plait à elle aussi. C'est une grave erreur que de croire ça. Néanmoins, son client se présente. Son nom, elle s'en fiche mais il semble avoir un point d'honneur à lui faire part de sa franchise. Soit. Elle lui rend sa carte d'identité, en silence, croisant les bras fermement sous sa poitrine, le regard de nouveau détourné. Qu'il sache à qui il à affaire ? A une employée. Elle se retient de lui lancer un "arrogant" bien senti mais préfère se pincer les lèvres. Elle ne réponds pas, ne dit rien. Ne bronche pas un mot. Le silence est d'or alors que la parole est d'argent. On voit tout de suite ce qui est le plus intéressant à utiliser. Elle reporte à nouveau son regard sur lui, l'observant à nouveau. Son pied continue à battre cette musique qu'elle seule connait alors qu'à nouveau, l'homme en face d'elle prend la parole.

Il voulait une réponse sincère ou une réponse franche ? Elle le regarde, arque un sourcil et un léger sourire naît sur ses fines lèvres. « Vous voulez la réponse franche ou la réponse hypocrite ? ». Question rhétorique parce que Su Yun reprend rapidement la parole. « Sincèrement : non, j'ai juste envie de m'en aller. D'être loin d'ici et de vous. Hypocritement : je meurs d'envie de continuer ce que vous m'avez gentiment fait arrêter. » Sans attendre, elle reprend la parole, toujours en l'observant, avec ce même léger sourire dédaigneux aux lèvres. « La question serait plutôt : que voulez-vous, vous ? » Oui, c'est plutôt ça la question. Ce que désire l'employé, généralement, on s'en fiche, non ? Elle le regarde, sans mot dire, attendant un ordre. Elle terminerait son travail. Et s'en irait. Sans lui avoir fait payer bien sûr. Car une idée - bien légère pour le moment - germe dans son esprit parfois bien tortueux.

C'est intéressant la façon dont elle agissait. Il avait l'impression d'avoir, devant lui, une écolière alors que lui-même serait directeur d'un établissement. Cette écolière, donc, aurait fait une bêtise et il essaierait de la réprimander en lui faisant avouer ses tords. Sauf que, décidément, elle était coriace et gardait le silence coûte que coûte en ayant une mine de petite fille gâtée et arrogante. Il fit claquer sa langue contre son palet, gardant un air sérieux, tout à fait immobile, serein. Un peu comme s'il chercherait à paraître impassible face à elle. Face à ses réponses, il ne peut s'empêcher de rire. Rire, c'est un bien grand mot, disons qu'il souriait plus qu'il ne riait. En vérité, il riait toujours avec discrétion. « Tu me paraît un peu trop sur de toi... Est-ce que tu es ici contre ton gré ? Parce que par ton comportement, on dirait franchement que ce boulot ne te plait pas. Pourquoi travaillerais-tu ici si tu n'aimes pas ce que tu fais ? » Il haussa un sourcil. Notez qu'il l'avait tutoyer. C'est bien beau le vouvoiement mais vu qu'elle était à moitié dénudée et qu'en plus ils avaient pu se rapprocher de corps, autant passer le vouvoiement qui n'était plus de rigueur.

Sa nuque craqua quand il pencha la tête vers l'arrière. Ah, il aurait besoin d'un massage, tiens. Eh bien quoi ? Cette jeune fille pourrait seulement avoir le droit de le masser un peu ? Pas sûr. Il la fixa un long moment avant de prendre une position désinvolte sur le canapé dans lequel il séjournait depuis ce début de soirée. « As-tu des talents de masseuse ? J'ai le dos en compote et mon ennuie ce soir ne me permet pas de me détendre. » Comme quoi, elle n'avait pas réussit à l'occuper pendant ses quelques temps passé ensemble dans ce lieu particulièrement clos et insonorisé. « Il n'y a pas une option coucherie, ici ? » Quoi ? C'était un homme après tout. Et il doit avouer que de pouvoir l'ennuyer un peu lui faisait plaisir, surtout de la provoquer ou de lui faire croire à une certaine provocation.

Arrogante ? Elle ? Oh... Juste un peu. Elle sait à quel point elle peut être méprisante. Elle sait à quel point elle peut être imbuvable. Mais elle se contente pour le coup de rester plus ou moins silencieuse, ne répondant que quand il lui posait des questions. Elle se frictionne doucement les bras, consciente qu'une chair de poule commence à apparaître sur sa peau. Si elle avait froid ? Un peu. L'inactivité n'a pas du bon sur elle. Elle l'écoute sans dire un mot et un fin sourire nait sur ses lèvres. Si elle n'aime pas son travail ? Ca se voit tant que ça ? Son regard se tourne vers Jin Su et elle reste silencieuse encore un court instant avant de prendre la parole. « Que j'aime ou non ce travail importe peu. Au fond, je le fais. Mais si vous voulez tout savoir... » Elle reste à nouveau silencieuse. Son patron sait très bien qu'elle hait profondément son job. Mais elle le fait, correctement et c'est sûrement ça le pire. Elle baisse le regard, avant de marmonner. « ... Je m'en serais bien passée. Mais je n'ai pas le choix. Il faut bien une rentrée d'argent pour pouvoir vivre. Et c'était tout ce qui se présentait à moi. » Elle est résignée dans ses propos. Et elle a horreur de faire l'étalage de cette faiblesse. Quand à elle, ce n'est pas parce qu'elle est à demi-nue qu'elle ne le vouvoie plus. Elle ne compte pas le revoir après cette soirée.

Mais la miss se ressaisit. Pas question d'attirer la pitié ou quoi que ce soit. Elle doit travailler. Et donc obéir au moindre demande de son client. Qui a alors une demande un peu particulière. Elle reste immobile un court instant. Et manque de s'énerver quand il parle de coucherie. « Je suis stripteaseuse... Pas prostitué. Je peux éventuellement vous masser, pas coucher avec vous. Pour ça, y'a la rue d'en dessous. » Non mais elle rêve là ! Elle est tombée dans une autre dimension. Elle porte ses doigts à ses tempes et se les masse doucement. Elle n'est pas une p*te de bas étage non plus. Et la colère commence doucement à naître en elle. Ca, il allait lui payer. Alors autant ne pas le regarder pour le moment sinon, elle allait vraiment perdre les pédales et elle se ferait virer. Elle continue à se masser les tempes. Voilà que maintenant, elle a mal au crâne. Super. Et en plus, elle se sent fatiguée. Fatiguée dans le sens où cela fait des années qu'elle n'a jamais parlé autant. D'habitude, elle ne décroche pas un mot... Et c'est aussi ce que son patron aime chez elle, en plus de l'ignoble (aux yeux de Su Yun) cicatrice qu'elle se coltine dans le dos.