Peut-être qu'elle doit quitter son travail ? Après tout, ce que Su Yun se dit chaque jours, c'est que ce job, elle le hait. Elle déteste mettre son corps à nu devant les gens - enfin presque à un - elle ne supporte pas leurs regards et pourtant elle le fait. Peut-être devrait-elle chercher ailleurs ? Parce qu'au fond, ce travail ne lui apporte que des ennuis, et elle le sait. Mais ce soir plus que n'importe quel autre soir, elle va s'en rendre compte. Pire, elle va s'en mordre les doigts. Et pourtant, elle ne l'a pas vu, dans l'assistance.

Non, elle n'a pas sentit ce regard lourd de haine par rapport à ce qu'elle fait. Parce qu'elle déroge à une règle à laquelle elle n'avait obéit que quand elle vivait encore chez son père. N'oublies pas, tu m'appartiens. Elle le sait. Mais ne veut plus obéir. Elle sait pourtant qu'il a plus d'emprise sur elle que n'importe qui d'autre. Que dès qu'il ouvrait la bouche, elle obéissait. Parce qu'elle sait que la colère est un trait de caractère important chez lui.

Lui ? Son frère... Ou plutôt son demi-frère. Ils n'ont pas le même sang, ils sont juste liés par le remariage de Min Woo, le père de Su Yun. Et pourtant, il est son frère. Elle ne l'a pas vu dans l'assistance, elle ne sait pas ce qu'il l'attend dehors. Une rage sans borne, une haine sans limite. Voilà ce qui l'attend. Mais ça, elle ne s'en doute pas un seul instant. Alors elle termine son travail et retourne dans sa « loge ». Dis comme ça, on peut croire que c'est une artiste. Mais c'est loin d'être le cas. Elle n'est pas une artiste.

L'air frais lui claque au visage et elle remonte son col pour protéger au moins un peu son cou. Derrière elle, des bruits de pas auxquels elle ne fait pas attention auraient dû lui mettre la puce à l'oreille. Pourtant, elle ne l'a pas vu depuis trois ans. Et ce même si elle sait qu'il est dans la même université qu'elle. Elle ne l'a jamais revu. Attendait-il juste son heure ? Elle n'est pas prête de sortir de sa ruelle, Su Yun.

Chen n'était pas de bon humeur. Chen était rarement de bon humeur. Et si tant est un jour il lui arrive d'être du bon pieds, il y avait quelque chose pour ruiner sa journée. En l'occurrence, c'était sa soirée qui allait lui ruiner le moral... Et il ne se doutait pas un seul instant qu'il allait être en rogne. Et puis aussi, pour avait-il accepté d'aller dans un club de striptease ce soir hein ? Bon, sûrement pour suivre ses amis, pour voir ce que c'était. Il faut quand même dire qu'à la base, ce n'était pas son genre. Mais ça pourrait être marrant de voir à quoi ça ressemblait, non ?

Habillé de façon décontractée, parce qu'il n'avait pas envie de se prendre la tête. Mais aussi parce qu'il faut quand même être relativement bien habillé pour aller dans ce genre d'endroit - marrant n'est-ce pas quand on sait que c'est un lieu qui appelle à la débauche ? Mais c'était les femmes qui faisaient cet appel, pas les hommes. Alors soit... Il y allait... Et quand l'une des préférées du patron monta sur scène, il crut voir rouge.

Elle... sur cette scène... A se déhancher comme ça... A se dénuder devant tous ses hommes... ? Comment osait-elle ? Il fronça des sourcils, sentant la haine, la rage lui monter avant de continuer à regarder le spectacle sans en prendre le moindre plaisir. Ca ne l'excitait pas. Du moins, ça n'aurait d'effet que bien après. Il voyait les autres filles passer après elle mais Chen n'avait que le corps de Su Yun dans son esprit. Que ce qu'elle osait faire : lui désobéir. Ce n'est pas parce qu'il a disparut pendant trois ans qu'il n'existait plus. Et il comptait bien le lui rappeler. Alors quand elle quitta son travail, il l'attendait pour la suivre. Et la rattrapa rapidement par le poignet. Avant de se coller à elle :

« Bonsoir Su Yun... »

Oui. Il lui rappelait qu'il existait. Et que leur « contrat » tenait toujours. Mais elle l'avait rompu... Alors elle paierait. Et la colère se lisait facilement dans son regard sombre.

La peur l'étreint comme un étaut mortel. C'est dans cet état d'esprit qu'elle sort à chaque fois de son travail. Peur, angoisse, inquiétude. Tout est fait pour qu'elle ne sache plus à qui faire confiance. La moindre ombre la rappelle à celui qui l'angoisse, à celui qui lui fait peur. Son cauchemar, son croquemitaine a une apparence bien humaine. Et jammais elle n'aurait pu se douter qu'il serait là ce soir. Et pourtant il est là, tapis dans l'ombre sans qu'elle ne s'en doute un seul instant. Et elle marche, seule, sans l'assurance qu'elle avait d'ordinaire. Elle qui est une Troublemaker sait que face à un couteau, ses connaissances d'autodéfenses sont insuffisantes. Que face à lui, elle est bien faible.

Et pourtant, une main se saisit de son poignet et la force à se retourner. Et là, elle lui fait face. Son coeur s'accélère rapidement alors que son regard accroche le sien. Que fait-il là ? Pourquoi est-il là, face à elle ? Elle tente de se dégager. Mais échoue. Sa bouche est pâteuse, elle angoisse. Elle lit parfaitement la haine, la colère dans son regard. Elle qui avait tant prié pour ne jamais le revoir. S'il y a un Dieu qui existe là-haut, il se moque bien d'elle. Elle entend sa voix, calme, trop calme, s'élever. « Bonsoir Su Yun... ». Impossible pour elle de répondre. Elle ne sait pas quoi dire, elle ne sait pas quoi faire non plus. Elle reste là, immobile, avant de souffler, de cette voix craintive qui la caractérise, tout en essayant de reculer. « Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu fais là ? »

D'habitude, Su Yun ne parle pas. C'est comme si sa voix lui était arrachée par la peur qui est en elle et qui est beaucoup trop imposante, beaucoup trop puissante pour elle. Non, elle n'est pas capable de parler quand elle se retrouve face à lui. Mais plus que tout, elle se rend compte qu'à nouveau, la spirale infernale de laquelle elle avait eu tant de mal à sortir revenait à la charge. Sa rencontre avec Chen signait la fin de sa liberté... Et le début du cauchemar. « Qu'est-ce que tu me veux ? » Et pourtant, elle connait bien la réponse. Mais elle espère encore, elle ne sait pas pourquoi, qu'il lui dira autre chose que cette réponse qu'elle redoute tant. Elle ne décroche pas son regard du sien, hypnotisée par la profondeur de ses yeux, se perdant dans la noirceur de sa haine. Noirceur qui la bouffe à petit feu.

Il était en mesure de lire la peur dans son regard. Et un sourire bien malsain naquit sur ses lèvres alors que sa main se refermait un peu plus sur le poignet bien fin de la jeune femme. Il la rapproche légèrement de lui, l'observant de haut en bas. C'était dingue comme sa simple vue pouvait attiser cet étrange sensation qu'il avait pour elle. Ce n'était pas un sentiment positif, bien loin de là. Juste une profonde envie de la posséder, de lui faire comprendre qu'elle n'appartenait qu'à lui. Que jamais il ne la laisserait partir. Certes, il y avait eu une période de trois ans où ils ne s'étaient plus vu... Et alors ? Ce n'était pas pour cette raison qu'elle ne devait plus lui obéir. Penchant légèrement la tête sur le côté, il écouta sa voix bien fragile s'élever. Et un sourire encore plus mauvais se dessina sur ses lèvres. « Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu fais là ? » Il continue de l'observer sans rien dire. Et dire qu'elle osait faire ce travail là ! Voilà qu'il y avait de quoi le mettre en rogne... Ah non désolé, ça en rogne, il l'était déjà. Il releva lentement le regard vers elle, sans broncher, la laissant encore parler. « Qu'est-ce que tu me veux ? »

Et elle posait encore la question. Il serra un peu plus son poignet et l'embarqua à sa suite, se foutant complètement de ses protestations. Si encore elle osait protester. Il la fit grimper dans sa voiture, sans ménagement et monta côté conducteur. Pour redémarrer et l'emmener chez lui. En silence. Elle savait que de toute façon, elle ne devait rien dire. Ni même tenter de s'enfuir. Une fois arrivés, il lui ouvrit la porte et lui indiqua le numéro de son logement. Et il monta à sa suite. C'est quand il fut dans l'appartement - après qu'il ait fermé à clefs - qu'il l'attrapa par les épaules et la plaqua contre le mur qui se trouvait derrière elle. Et sombrement, alors que son corps se rapprochait du sien, il murmura au creux de son oreille. « Je croyais que tu avais compris depuis toutes ces années ce que je voulais. Je croyais que tu avais aussi compris que la moindre erreur de ta part me mettrait en colère. Mais apparemment, ce n'est pas le cas... Je me trompe, Su Yun ? » Et lentement, une de ses mains remonta le long de sa cuisse, pour aller se poser sur sa hanche. Non, ce soir il ne ferait rien. Juste une première sommation. C'est tout.

Oui. Elle est terrorisée. Terrorisée à l'idée de ce qu'il peut se passer après. Parce qu'elle sait qu'elle n'a aucune chance de s'en tirer contre lui. Que quoi qu'il dirait, elle obéirait. Elle n'a pas le choix : c'était son intégrité contre sa tranquillité. Et elle préférait être tranquille... Quitte à lui offrir, avec dégoût, son corps. Parce qu'elle sait ce qu'il veut. Et qu'il obtient toujours ce qu'il désire. Elle comprise. Elle inspire profondément, retient sa respiration et l'observe, avant de ciller et de dévier son regard autre part. Son corps se met à trembler et pourtant, elle n'a pas froid. Non, elle a juste peur. Très peur de lui. L'enfer recommence, elle le sait. Et elle ne peut rien faire pour aller contre ça. Alors elle l'observe, en silence, malgré la peur qui étreint ses tripes. Exit la belle Su Yun, sûre d'elle... Elle laisse place à ce qu'elle est réellement, sous cette couche immonde de méchanceté et d'ironie ; une fragile poupée de porcelaine.

Elle sent l'emprise de ses doigts augmenter sur son poignet alors qu'il la traîne à sa suite. Elle tente en vain de se dégager mais se retrouve dans sa voiture, à ses côtés et serre sa ceinture de sécurité. Son coeur bat, à vive allure. Elle craint, elle anticipe. Encore plus quand ils arrivent chez lui, qu'il lui donne le numéro de sa chambre et qu'une fois qu'elle est à l'intérieur, il la pousse contre le mur. Elle accuse le coup et sent le corps du jeune homme se coller au sien. Elle se raidit, tente de le repousser... En vain. Elle l'écoute et ne réponds pas, se tendant en sentant ses doigts sur sa cuisse. Il n'a pas le droit, certes, mais elle ne peut pas l'en empêcher ; il a toujours le dessus, de toute façon. « Je dois vivre. Je n'ai pas d'autre travail que ça... Laisse moi tranquille, par pitié, Chen... Laisse moi tranquille. » Supplication, pitié... Elle l'implore mais n'ose pas le regarder. Il lui fait peur. Il a toujours le dessus sur elle, de toute façon.

Il avait toujours eu ce sentiment de supériorité vis-à-vis de Su Yun. Elle avait toujours était beaucoup plus fragile, beaucoup plus faible que lui. Et ce n'était pas en ayant un comportement aussi décalé que le sien qu'elle pourrait avoir le dessus sur Chen. Loin de là. Et le fait de se sentir supérieur à elle le faisait carrément jubiler. Pour la simple et bonne raison que ce sentiment devenait pire qu'une drogue quand on y prenait goût. Mais ce qui le grisait encore plus, c'était de sentir la peur émaner d'elle, de voir la terreur dans son regard. Oui, il savait très bien qu'il la terrorisait et le pire était peut-être qu'il en jouait beaucoup. Il glissa ses doigts sur sa cuisse, sentant à nouveau la texture de sa peau sous ses doigts. Puis, il pencha la tête vers l'avant, effleurant du bout de son nez le cou de la jeune femme avant de poser ses lèvres là où son coeur battait. Et il le sentait battre à tout allure. Tant et si bien qu'il avait l'impression qu'il allait s'échapper du corps de la jeune femme.

Doucement, comme pour la stresser davantage par ce manque de violence dont il faisait preuve (alors qu'habituellement, il ne la ménageait pas réellement), il plaqua ses mains contre le mur, avant de coller son bassin contre le sien, laissant ses lèvres remonter le long de sa gorge, alors qu'elle parlait. S'il l'écoutait ? A moitié, dirons-nous. Ses sens étaient déjà grisés par tout autre chose. Il alla jusqu'à l'oreille de la jeune femme, avant d'en taquiner le lobe et de murmurer ensuite.« Je me contrefiche de tes problèmes, Su Yun. Ce qui ne me plait pas, c'est que tu ne m'obéis pas... Et tu sais normalement ce qu'il se passe hein ? » Il mordilla le lobe de son oreille avant de lâcher une des mains de la belle demoiselle pour glisser la sienne sous son haut, remontant dangereusement vers sa poitrine. « Tu vas rester ici, ce soir... Et je verrais ce que je dois faire de toi. » Il s'écarta, l'attirant vers lui avec la main qu'il tenait toujours pour la pousser sur le canapé. « Et tu feras ce que je te dis, sans broncher, c'est clair ? » Et sa voix s'était élevée, froide avant qu'il ne laisse tomber la sentence comme un couperet. Il était bien trop calme, Chen, pour ne pas être dangereux.